Les larmes noires sur la terre - Sandrine COLLETTE

Editions Denoêl
Parution : 2 février 2017
336 pages


Ce qu'en dit l'éditeur : 

Il a suffi d’une fois. Une seule mauvaise décision, partir, suivre un homme à Paris. Moe n’avait que vingt ans. Six ans après, hagarde, épuisée, avec pour unique trésor un nourrisson qui l’accroche à la vie, elle est amenée de force dans un centre d’accueil pour déshérités, surnommé «la Casse».
La Casse, c’est une ville de miséreux logés dans des carcasses de voitures brisées et posées sur cales, des rues entières bordées d’automobiles embouties. Chaque épave est attribuée à une personne. Pour Moe, ce sera une 306 grise. Plus de sièges arrière, deux couvertures, et voilà leur logement, à elle et au petit. Un désespoir.
Et puis, au milieu de l’effondrement de sa vie, un coup de chance, enfin : dans sa ruelle, cinq femmes s’épaulent pour affronter ensemble la noirceur du quartier. Elles vont adopter Moe et son fils. Il y a là Ada, la vieille, puissante parce qu’elle sait les secrets des herbes, Jaja la guerrière, Poule la survivante, Marie-Thé la douce, et Nini, celle qui veut quand même être jolie et danser.
Leur force, c’est leur cohésion, leur entraide, leur lucidité. Si une seule y croit encore, alors il leur reste à toutes une chance de s’en sortir. Mais à quel prix ? 

 Née à Paris en 1970, diplômée en sciences politiques et partageant sa vie entre littérature et élevage de chevaux, Sandrine Collette est l'auteur de Des noeuds d'acier, Un vent de cendres, Six fourmis blanches, Il reste la poussière..


Ce que j'en ai pensé :

Je suis fan de Sandrine Collette, c'est un fait établi : chaque nouveau roman conforte sa place dans mon Panthéon des écrivains contemporains. J'aime ses thrillers, habiles et intelligents. J'aime quand elle essaie un autre style (son roman précédent était différent des précédents mais toujours excellent). Mais là...que dire ? ou plutôt, comment dire tout le bien que je pense de ce roman, à quel point il est bouleversant ?

Quand Moe a quitté Papeete pour suivre Rodolphe en métropole, elle aurait sans doute dû réfléchir à deux fois. 

" Moe n’avait rien à dire, Fallait réfléchir avant, elle le chante presque, certains jours, en passant un doigt hésitant sur sa joue bleuie. Quelques gifles ici et là — pas pire que les insultes au fond, si ça en était resté là."

Quand à traîner les bals pour suivre son conjoint violent et alcoolique qui la traite comme une esclave, elle s'est retrouvée enceinte d'un enfant illégitime, quand elle a atterri aux urgences avant d'être prise en charge par les Services Sociaux, elle aurait dû...
Une suite de mauvais choix, de circonstances, qui la mènent dans un camp de survivants. Parce qu'elle n'est plus que ça, Moe, une survivante. Et une résistante, à sa manière, pour sauver son fils, pour repartir à Papeete, un jour...

Sandrine Collette nous emmène au milieu des carcasses de voitures, dans ce monde cerné de grillages où chaque jour est une lutte, au milieu des trafiquants, des vigiles, de ceux que la misère indiffère ou fait prospérer (certains propos font frémir, ce sont ceux dont certains de nos politiciens contemporains usent en ce moment...).

 "D’une certaine façon, ils admettent que c’est mérité et, même si c’est trop facile, pensent tout bas que les autres, ceux qui vivent là-bas, n’avaient qu’à travailler."

C'est un coup de maître, un presque chef d’œuvre ! De ce genre de bouquin qu'on classe immédiatement dans les indispensables, pas tant pour le style (encore que la dame manie la langue comme personne) mais pour tout ce qu'il remue en nous, lecteurs.


Une histoire universelle, une vie ratée, une cascade de pas-de-bol pour l'héroïne, et puis, en filigrane, l'humanité toute entière en quelques centaines de pages : la rage, le désespoir, la fraternité, la misère, la solidarité, l'amour, le renoncement, l'espoir.
Du brut, une écriture à l'os qui n'épargne personne, qui fait cogiter, qui tire quelques larmes. Un bouquin qui prend violemment aux tripes, qui fait frissonner devant ce que devient notre monde (à ce rythme-là, vers 2030, époque à laquelle se situe l'intrigue, ça risque de faire super mal !).

"(...) ce n’est pas ce monde-là qu’elle veut, tentaculaire et dévorant, où la seule façon de s’en sortir est de se battre bec et ongles pour gagner quoi, pas même un petit morceau de bonheur, juste la hargne pour survivre, boire, manger et mettre de l’essence dans la voiture, un combat stérile et épuisant, trouver une place de misère et la conserver coûte que coûte."


Alors, roman noir ou pas ? Noir de violence, noir de tristesse, mais roman social avant tout, de ceux qu'il faut lire absolument pour ouvrir les yeux, pour ne pas accepter certains discours, pour qu'il reste encore une part d'humanité et de bonté en chacun de nous.
Une sacrée claque !

2 commentaires:

  1. Tout pareil : j'aime Sandrine Collette et celui-ci est mon préféré depuis le tout premier : Les noeuds d'acier ! Une vraie claque...

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  2. Une auteure découverte avec son précédent roman, et je ne manquerai pas de lire celui-ci !

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